Frédéric Bélier Garcia ouvre la saison avec une pièce-pléthore, fresque acide et extravagante qui, à l’heure où chacun se blottit dans ses vérités ré-confortantes, appelle au sursaut, à la déraison, à l’espérance, à partir de l’écriture maligne d’Ivan Viripaev.
C’est une nuit-monde, nuit blanche, chavirée. Quatorze personnages désorientés se croisent dans des restaurants végétariens, des salles des fêtes abandonnées, des boîtes de nuit désertées… Ils y étaient entrés devancés par leurs identités sociales, certitudes et assignations qui vont avec (directeur de festival, banquier, prostituée, étudiant…). Mais voilà l’ivresse. Et la conscience dessanglée par la nuit, les stupéfiants, la discorde ou la fête prend des routes inédites vers l’amour, la mort, le végétarisme, le sens de la vie, la vérité, Dieu… La houle de la nuit déforme les conversations et les transfigure peu à peu dans un grand bal des vérités. Chaque séquence fait surgir une intrigue et une méditation. À la manière du tanka japonais – l’ancêtre du haïku –, la fin d’une scène agit comme une résolution.
Frédéric Bélier Garcia connaît bien la langue insolente, le grotesque des situations et le tremblé métaphysique des méditations de Viripaev pour avoir déjà mis en scène Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre.
Ici, des balbutiements émerge une voix lumineuse sur la condition humaine et le sourire fou de notre monde. Pincer ces instants, pris à notre danse quotidienne autour du gouffre, mais où la vie scintille d’une autre aube ; voilà l’enjeu.