LE TRIOMPHE DE L’AMOUR

[ Denis Podalydès ]
Date(s) :  du 15 juin 2018 au 13 juillet 2018
Horaire(s) :  Du mardi au samedi à 20h30. Matinées les samedis à 15h30.
De : Marivaux
Mise en scène : Denis Podalydès

Marivaux regarde de tout près comment agit le désir amoureux : d’où ça part, d’où ça monte, comment ça vient aux lèvres, comprimé, réprimé, comment ça se trahit d’une manière ou d’une autre, comment ça éclate. C’est l’aveu impossible et qui jaillit pourtant. Un tout petit mot, un petit rien, et ce petit rien fait vaciller le monde. Il regarde ce rien opérer dans la langue elle-même. C’est une maladie, une contagion. Dans un grand éclat d’esprit, apparemment enjoué, s’entend une effroyable violence du coeur. Le Triomphe de l’Amour est un saccage, une hécatombe. Le langage est le champ de bataille, le langage fait enrager la bête en voulant lui donner forme raisonnable, le langage la nourrit et décuple ses forces. L’homme ou la femme qui aime se transforme en monstre, séduit et fait peur, bouleverse, affole, laisse l’autre exsangue. Il n’y a pas d’amour heureux: l’amour-propre, l’orgueil humain, l’inconscient, conduisent le coeur et se jouent de la raison. On comprend que certains grands personnages de Marivaux, soucieux de paix, de bienveillance, de lettres aussi, renoncent délibérément à l’amour, s’en écartent, fondent une petite société à part de ses dangers et de ses charmes.

J’aime la figure du philosophe à l’écart. Hermocrate a constitué une petite société organisée philosophiquement selon ses principes. On y jardine, on y fait de la musique, on y lit, on y boit et mange, mais on n’y aime point. L’utopie d’Hermocrate tient à ce renoncement. L’harmonie règne au prix d’une mutilation. La princesse Léonide, travestie en homme sous le nom de Phocion, arrive innocemment. Elle ne connaît pas non plus l’amour. Prise au jeu, inconsciente de la maladie qu’elle propage dans le jardin philosophique, elle mène simultanément trois conquêtes amoureuses avec autant de virtuosité que d’innocence. Hermocrate, sa soeur Léontine et le Prince Agis succombent, non parce qu’ils ont affaire à une femme diabolique, mais à l’Ange, à l’Amour en personne, qu’ils avaient cru chasser du jardin.

Denis Podalydès

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